11. La grotte de Bodhidharma

Ce matin, il pleut encore plus que la veille. Mais comme c’est notre dernier jour à Shaolin, on décide quand même d’entreprendre la montée pour aller à la grotte de Bodhidharma. C’est le haut lieu fondateur du bouddhisme zen.

Bodhidharma, le premier ancêtre, y passa 9 ans, de 527 à 536, méditant devant un mur et initiant ses premiers disciples. Sa contemplation murale est une référence symbolique suscitant beaucoup d’interprétations. Le présentateur du Traité du Bodhidharma, première anthologie du bouddhisme chan la fait correspondre à l’accès à l’apaisement de l’esprit.

Étymologiquement, Bodhidharma signifierait « la Loi bouddhique de l’éveil ». Un bon effet de la pluie est que nous sommes presque seuls à gravir les milliers de marches d’un sentier qui ce matin se perd dans les nuages. C’est presque comme une muraille à escalader, donc l’obligation d’écouter son souffle pour le trouver et non le perdre, met en dynamique méditative apaisante.

Au bout d’une heure, midi sonnant à un gong lointain, on débouche sur un petit terre-plein donnant accès à l’entrée étroite d’une grande anfractuosité qui a été aménagée en petite grotte. La majorité de l’espace est occupé par un bouddha trônant derrière des bougies, veillé par un moine accroupi. Place seulement pour une ou deux autres personnes.... nous puisque nous sommes les seuls, mais l’un après l’autre.

Américo me laisse passer le premier. C’est étonnant comment la simplicité concrète des lieux peut faire redescendre les imaginaires sur terre et retrouver la force symbolique de la matière, noyée souvent dans des verbiages et des images leurrantes. La grotte de l’Apocalypse à Patmos, beaucoup plus dépouillée, m’avait fait la même impression. Simplification. Une longue étreinte silencieuse entre Américo et moi a ensuite scellé ce moment culminant de « La Petite Forêt ».