mardi 5 juin 2018

37. Bilan d'Americo


Bilan de mon voyage en Chine
Americo Sommerman
Pour moi, ce voyage, commencé le 24 mars et terminé le 21 avril 2018, se découpe en trois grandes étapes :
1: Mon séjour de 15 jours à l'école du temple de Shaolin pour les étudiants étrangers.
2: Arrivée de Gaston à Shaolin au début de ma troisième semaine
3: Arrivée de Michel et sa rencontre avec Gaston et moi dans les monts Wudang.
PREMIÈRE ÉTAPE : SEUL
La première étape a eu trois moments culminants: l'arrivée au Temple, à l'école de Kung fu de Shaolin, et l'entraînement pendant 15 jours; la livraison à l'abbé du Temple de Shaolin, ShiYongxin, de son livre Le Temple de Shaolin dans mon cœur que j'ai publié il y a quelques mois au Brésil; enfin l’apprentissage et la mémorisation de la séquence de bâton Shaolin «Petit bâton de feu » et la correction de la séquence de «Box Sept étoiles» de Shaolin que j'avais apprise avec les moines Shaolin à Los Angeles en 2013. Chacun de ces trois moments a généré en moi une grande joie.
Premier moment. C’est la première fois que je m'entraînais à l'intérieur du Temple de Shaolin, après s'être entraîné avec les instructeurs de Shaolin à côté du temple de Shaolin en 2012, après avoir étudié avec les moines Shaolin à Los Angeles en 2013, puis, en 2015, avec les instructeurs de Shaolin dans la ville de Qufu/Chine, en 2015. Vivre à l'école pour les étrangers du Temple de Shaolin, à l’intérieur du Temple; entrer au Temple tous les jours, deux fois par jour, pour s'entraîner a été une expérience forte.
Deuxième moment. La remise à l’abbé de l'édition brésilienne de son livre était la deuxième raison de ma venue en Chine. Lorsque j'ai confirmé les dates de ma venue au temple de Shaolin, le chef des affaires internationales du temple (M. Wang Yu Min) m'a dit que l'abbé serait dans le temple pendant mon séjour et qu'il me recevrait. Mais l'abbé est une célébrité en Chine et même en dehors de Chine. Il a un emploi du temps extrêmement chargé. Il aurait pu ne pas être en mesure de me recevoir. En fait, ce n'est qu'au début de ma deuxième semaine au Temple qu'un moment opportun s'est présenté pour que je lui livre le livre. Il en a été heureux, a parlé un peu avec moi, a posé quelques questions sur toutes les étapes de mon action éditoriale et de la diffusion du livre au Brésil. J’ai quitté cette rencontre très heureux qu’elle soit survenue.
Troisième moment. Apprentissage d'une des séquences de bâton, classique de Shaolin et, en finale, la correction des détails d'une autre séquence que j'avais apprise à Los Angeles en 2015. Ce fut un pur plaisir, car apprendre ces deux séquences avec précision à l'intérieur des murs du Temple de Shaolin m'a apporté une autre saveur particulière.
Je ne sais pas encore le sens que prendra tout cela à l'avenir, en tant qu'éducateur et transformateur socio-culturel. Mais à un moment donné, les pièces de ce puzzle devraient s’ajuster.

DEUXIÈME ÉTAPE : À DEUX
Six moments ont marqué la deuxième étape : l'arrivée de Gaston à Shaolin et notre première visite au Temple. Le deuxième visite au Temple de Shaolin, avec l'excellent guide (qui, dans l’adolesce, voulait être moine bouddhiste ses parents ne voulaient pas) avec notre première ascension au sommet des monts Song. Le troisième moment fut notre visite, avec le guide, de la cascade et des temples bouddhistes, taoïstes et confucéens dans les environs de Shaolin. Le quatrième fut la synthèse que j'ai faite à Gaston du livre de l'abbé du Temple de Shaolin que j'ai publié au Brésil. Le cinquième moment fut notre ascension héroïque vers la grotte où Bodhidharma, fondateur de Chan (Zen) et de Shaolin kung fu, médita pendant 9 ans au milieu du VIe siècle. Enfin, le sixième a été la longue conversation que nous avons eu − après notre chemin jusqu'à la grotte de Bodhidharma sous la pluie − dans la soirée dans ma chambre.
Premier moment, celui de l'arrivée de Gaston à l'hôtel près du temple de Shaolin. Ce fut très émouvant. En ces vingt années d'amitié, nous avions déjà rencontré bien des situations et des lieux, mais cet endroit insolite a été le plus inattendu. Nous aurions bien pu nous manquer à cause de l'impossibilité de communication. Heureusement quelqu’un parlant un peu anglais m’a aidé. Quand je suis entré dans l'hôtel où Gaston venait d'arriver, à environ 20 minutes de route de Shaolin, et que j'ai parlé à Gaston, descendu de sa chambre, ce fut la fête! Ensuite, nous nous sommes retrouvés dans le parc national de Shaolin avec un guide francophone et nous sommes allés directement au Temple de Shaolin.
Deuxième moment : notre deuxième visite au Temple de Shaolin, plus calme à ce moment-là. Nous étions accompagnés par un guide "presque" moine bouddhiste, pratiquant et érudit du bouddhisme. Nous avons pu apprécier de subtils entretiens sur le bouddhisme en général et sur le bouddhisme chinois en particulier, avec le Temple de Shaolin comme référence centrale. Immédiatement après la visite, nous avons fait une première ascension vers le sommet des montagnes Song, d’abord en téléphérique, puis le long d’une magnifique promenade à flanc de montagne. Celle-ci est composée de roches en tranches verticales gigantesques, s’élançant vers le ciel. Ce chemin conduit à deux petits temples inachevés. Il faudra encore trois heures pour arriver et s’arrêter sur le lieu de paysages des plus étonnants, avant de commencer la marche de retour. C'est alors que Gaston eut l'idée «folle et dangereuse» d’une entente partenarial et transhémisphère nord-sud entre le Temple de Shaolin et le Centre d'Éducation Transdisciplinaire (CETRANS) que j'ai créé en 1998 avec Maria de Mello et Vitoria de Barros et qui demeure toujours actif. Nous en avons parlé pendant une bonne partie de notre chemin de retour à l'hôtel. J’ai d’abord cru que c’était une blague de Gaston... À la réflexion, les idées de notre ami Gaston sont à considérer, mais elles sont à la fois sérieuses et dangereuses, comme Michel l’expliquera plus tard.
Troisième moment. Le matin du 11 avril, visite du Songyang Scenic Area, site naturel remarquable, entre ciel et terre, lové au cœur d’un cirque de la montagne Song, à 3 km de la ville Dengfeng où nous résidions. Ce site abrite un héritage culturel unique des trois grands courants spirituels historiques de la Chine: taoïsme, confucianisme et bouddhisme. Aidés par le guide, nous avons plongé dans ces trois traditions spirituelles qui sont le fondement de toute la culture chinoise. Au cours des conversations avec notre guide, lors de la visite des temples antiques de ces trois grandes traditions, nous avons surtout approfondi la vie spirituelle bouddhiste. Mais les trois traditions, presque inséparables, sont respectées en Chine.
Quatrième moment : demande inattendue de Gaston que je lui résume le contenu du livre de l'abbé qui vient de paraître au Brésil. Après quatre belles journées chaudes et ensoleillées en ce début du printemps, le temps changea brusquement. Un refroidissement et une petite pluie presque constante, nous ont incités à rester à l'hôtel. Nous y avons passé plusieurs heures agréables, mais laborieuses pour moi, car ce n’était pas facile de résumer à Gaston certains chapitres. C’était le jour où nous avions prévu de monter à la grotte de Bodhidharma, mais le froid et la pluie nous ont fait changer nos plans, ce qui était providentiel. Cela a permis de donner à Gaston, avant l’ascension vers la grotte, une idée plus claire du contexte culturel et du statut politique du Temple Shaolin au cours des siècles et à l'heure actuelle.
Cinquième moment :notre ascension vers la grotte! Nous avions presque abandonné ce projet, car la pluie et le froid continuaient. Mais j'ai insisté auprès de Gaston pour qu'au moins nous allions au départ du chemin montant vers la Caverne. S'il y avait trop de pluie, nous abandonnerions. Nous achetons deux parapluies et partons pour cette aventure. Un taxi nous laisse à l'entrée du parc national de Shaolin. Il y a une foule avec des parapluies et on y propose l'achat de capes en plastique imperméable et de couvre-bottes. Nous achetons les capes et commençons une promenade tranquille de l'entrée du parc national à la porte d'accès au Temple de Shaolin, ce qui prend environ 30 minutes. La fine pluie tombe toujours, mais avec la cape et le parapluie nous allons bien. Quand nous arrivons au début du chemin qui monte à la grotte, à moins de 50 mètres après la Porte du Temple, il pleut toujours, mais peu. Gaston suggère de commencer à grimper. Et comme je connaissais déjà le chemin pour l'avoir fait deux fois: une fois en 2012 et une semaine avant, il n'y aurait pas de problème pour trouver, à chaque carrefour, la bonne voie d'accès. Nous montons une heure en silence, étapes calmes, pluie fine. Pendant la montée d'une heure, nous avons à peine trouvé quelqu'un, et cette solitude nous a réjoui énormément. Après ces 100 mètres de dénivellation, la foule s’est évanouie, comme par magie. Nous arrivons à la grotte où nous etions seuls! Juste Gaston et moi! C'est parfait!
Dans un silence complet, nous entrons séparément dans la grotte de Bodhidharma, occupée seulement par un moine et une nonne qui sont toujours là pour accueillir les dévots, offrir l'encens et sonner la cloche. Nous faisons nos prières séparément dans la grotte. Puis nous nous sommes embrassés pendant longtemps à la porte de la grotte, et dans un silence complet. Nous sommes revenus en une heure sous la pluie.
Sixième moment. Le long échange que nous avons eu dans ma chambre le soir pendant le repas improvisé pour célébrer notre ascension vers la grotte. Nous étions très heureux d'avoir fait cette ascension, dans des conditions qui se sont avérées parfaites ! Car s'il n'y avait pas eu le froid et la pluie, il y aurait eu beaucoup de gens, beaucoup de bruit et peu de possibilités de réflexion. La chaleur aurait rendu la montée plus difficile. Nous étions heureux, et sommes revenus à parler de la « folle » idée Gaston de créer une entente partenariale transhémisphères CETRANS / Temple Shaolin. Nous parlons aussi de nos activités et projets en cours et à la fin, nous abordons intensément la voie spirituelle et ses différentes étapes. C'était une conversation ancrée dans une amitié déjà longue.

TROISIÈME ÉTAPE : À TROIS
C’est l'arrivée de Michel et sa rencontre avec Gaston et moi dans les monts Wudang. Il y eut quatre grands moments: la première rencontre, quand nous avons pris une bière dans le hall de l'hôtel et que nous sommes sortis pour une première exploration dans la ville de Wudang; le deuxième moment fut notre déplacement au sommet du parc national de Wudang, lorsque nous fîmes l'exploration à pied des temples et du pic de Wudang, et le lendemain lorsque nous fîmes une marche de trois heures jusqu'à l'endroit sacré le plus important des montagnes Wudang: le Temple d'Or, dédié à l'Empereur Jaune; le troisième moment a été mon entraînement de Tai Chi et la pratique de Chi Kung de Gaston et Michel; le quatrième fut notre arrivée à Xian, avec notre voyage à vélo pendant près de trois heures au sommet des remparts entourant l'ancienne ville de Xian, avec la visite de sites archéologiques, suite à nos explorations intenses de la culture chinoise (cuisine, religion, politique, économie) et nos dernières conversations sur nos vies.
Premier moment: la première rencontre du trio en Chine a été décisive pour toute la dynamique de cette troisième étape. Immédiatement, une profonde empathie et une confiance mutuelle se sont établies entre Michel et moi. Gaston et Michel sont déjà venus avec le magnifique trésor d'une amitié de presque cinquante ans et plusieurs grands voyages ensemble ! Nous avons fait une petite fête dans le hall de l'hôtel. Nous y avons bu une bière pour célébrer le début de cette nouvelle phase, avant de commencer à explorer le pied la ville de Wudang. Au cours de cette première bière, Michel a partagé avec nous quelques-uns des grands et importants événements de sa vie intérieure qui ont eu lieu dans les jours qui ont précédé son voyage en Chine, certains d'entre eux liés à son propre voyage.
Je compris profondément la beauté de ce que Michel avait vécu. Et Michel réalisa que j'avais parfaitement compris. J'ai donc partagé avec eux ce qui m'a amené à faire le voyage à Shaolin et Wudang en 2012, ce que j'ai vécu lors de ce premier voyage en Chine, et la grande transformation que ce voyage avait provoqué en moi.
Ensuite, j'ai suggéré que nous partagions les uns avec les autres ce qui avait motivé notre voyage en Chine. Nous avons vite vu que pour tous les trois c'était ce que Jung appelle la synchronicité. Je venais (début novembre 2017) de publier au Brésil le livre de l'Abbé du Temple de Shaolin. J'avais beaucoup pensé à aller en Chine pour le livrer directement à l'Abbé, mais j'avais renoncé en raison du coût du voyage et de la distance (près de 40 heures avec deux changements d'avion) ​​et un long séjour hors du Brésil (cela n'a pas de sens de voyager 40 heures pour se rendre à un endroit, investir assez d'argent et rester moins de 20 jours à cet endroit). Mais à la fin de novembre 2017 j'ai reçu un mail de Gaston, puisque nous échangeons habituellement quelques mails par an. J'ai répondu en demandant, entre autres, quels étaient ses plans d'exploration spirituelle pour 2018. J'ai suggéré qu'il visite le temple de Shaolin et les montagnes de Wudang.Il répond : «Ce n'est pas une mauvaise idée. Mais je ne partirai que si tu pars, puisque tu y es déjà allé etque tu connais les lieux! » Cette réponse m'a pris totalement au dépourvu! Je l’ai lue comme une indication que je devais aller en Chine pour offrir le livre à l'abbé, ne sachant même pas pourquoi c’était important. Ce livre aurait pu être envoyé par la poste, accompagné d’une longue lettre.
J'ai donc commencé, à cause de cette synchronicité, à penser concrètement à ce nouveau voyage en Chine dans la première moitié de 2018. Gaston a également dit qu'un voyage en Chine était entré dans son horizon quand, lors de son voyage à bicyclette en Terre de Feu avec Michel, il avait lu l'Hymne de l'Univers de Teilhard de Chardin et appris plus tard que Teilhard avait passé dix ans de sa vie dans le désert de l'extrême nord de la Chine, à la frontière de la Mongolie et qu’il y avait écrit cet Hymne de l'Univers qui lui parlait si profondément. Gaston a ajouté que ma suggestion d'aller en Chine lui était apparue semblable au sentiment de synchronicité que j'avais ressenti moi aussi. Il a alors continué à envisager sérieusement la réalisation de ce voyage, en passant par Shaolin et Wudang avant d’aller sur place au désert d'Ordos où Teilhard avait écrit cet hymne.
Michel raconta alors le moment décisif de sa décision d'aller en Chine avec Gaston et moi. Pour couronner les années précédant 2018, au cours desquelles il a subi de profondes transformations intérieures et extérieures, il pensait faire un grand voyage pour s’immerger dans un pays à la culture structurée par un autre paradigme, donc très différent de la culture occidentale contemporaine. Lors d'un dîner avec Gaston au début du mois de décembre, Gaston lui a partagé l'idée naissante d'aller avec moi en Chine. Michel rapporte qu'il a immédiatement décidé que c'était le voyage qu'il cherchait et qu'il irait avec nous! Gaston précise que lorsque Michel a entendu parler de l'idée du voyage en Chine, l’étonnement devant la synchronicité l’a fait sauter de sa chaise! Tout ce partage entre nous lors de la première rencontre du trio a établi une complicité complète entre nous trois pour les jours qui ont suivi, à Wudang et à Xian.
Deuxième moment. À Wudang, nous avons exploré la ville en nous promenant et en entrant en contact avec la vie d’une rue chinoise. Nous avons découvert des particularités de la cuisine locale, nous sommes montés au sommet du parc national Wudang, et avons marché parmi les temples du pic Wudang. Le lendemain nous avons vécu un deuxième moment: en faisant l'ascension de trois heures vers l'endroit sacré le plus important des Montagnes Wudang: Le Temple d'Or, dédié à l'Empereur Jaune. Ce fut une dure randonnée, car elle comprend l'ascension de milliers de marches. De plus, à l'arrivée au sommet, il y avait des foules de pèlerins qui étaient montés là-haut en téléphérique pour exprimer leur dévotion à l'Empereur Jaune, parce que, comme par hasard, c’était le jour de la grande fête annuelle consacrée à cette figure mythique de la culture chinoise. J'ai fini par ne pas suivre Gaston et Michel dans les derniers 500 mètres de monté, car la foule était énorme et j’avais besoin de retourner à l'hôtel pour rencontrer le professeur de tai-chi qui devait me donner mon premier cours en début d'après-midi. L'ascension de 3 heures à pied comme la rencontre de la masse des pèlerins fut pour nous trois, encore plus, une plongée intense dans la vie même de la culture chinoise.
Troisième moment: cours de tai-chi à Wudang avec le maître Luo Hong Wei. Ces classes de Tai Chi avec Maître Luo ont été l'un des grands événements du voyage, parce que j'ai appris du Tai Chi Long Men (Dragon Gate) de Wugang, une séquence magnifique de tai chi très peu connue en dehors de la Chine. Pendant trois jours, je me suis entraîné plusieurs heures chaque jour avec maître Luo et son principal disciple pour mémoriser tous les mouvements qu'ils m'avaient appris. Depuis lors, je l'ai pratiqué et enseigné à plusieurs personnes ici au Brésil. Le troisième jour de ma formation avec Maître Luo, Gaston et Michel sont venus avec moi pour un après-midi de formation avec lui. Ils ont eu ainsi une initiation pratique des arts corporels chinois. Maître Luo leur a enseigné les trois premiers mouvements du Chi Kung Ba Duan Jin (8 Pieces de Brocart), qui est la forme de Chi Kung peut-être la plus pratiquée en Chine. Gaston et Michel ont quitté la classe très reconnaissants et enthousiastes et avec l'intention de continuer à pratiquer le Ba Duan Jin à leur retour au Canada. Et peut-être même de commencer à pratiquer le Tai Chi!
Quatrième moment: notre séjour à Xian, ville qui fut plusieurs fois capitale de la Chine. Dès notre arrivée, nous partons pour notre première aventure: parcourir le haut des remparts qui entourent l'ancienne ville de Xian. Une balade à vélo le long de ce magnifique mur de près de 14 km, parfaitement conservé, prend près de trois heures. De là-haut, nous avons pu voir de très nombreux sites de la vieille ville et mesuré le grand contraste avec la ville moderne à l'extérieur des murs.  Mais au départ, Michel et Gaston ont dû passer un examen pratique car le vélo est interdit aux plus de 70 ans. Cyclistes expérimentés, ils ont réussi le test, m'ont distancié plusieurs fois et ont dû m'attendre ou revenir me chercher.
Le deuxième jour à Xian, nous avons visité deux sites archéologiques importants et poursuivi nos initiations intenses à la culture chinoise (cuisine, religion, politique, économie). En outre, pendant la nuit de nos adieux, nous approfondissons, autour d’une bouteille de vin, les conversations sur nos vies et nos projets ou nos intentions pour l'avenir. C'est alors que Michel m'avertit: «Fais attention! Les suggestions de Gaston sont dangereuses!» Et j'ai vite compris ce que voulait dire Michel: les suggestions de Gaston paraissent d'abord impossibles, inaccessibles! Mais elles deviennent souvent des réalités ...
C’est dans cet intense climat d'amitié qu’eurent lieu les adieux à Gaston et Michel. Actuellement j'écris les dernières lignes de mon rapport de voyage, le lendemain de mon retour au Brésil. Ils doivent achever leur visite dans le désert d'Ordos à l'extrême nord de la Chine ...


Américo Sommerman,
São Paulo, 22 avril  2018


36. Paris avec les amis

Lundi-mardi 14-15 mai 2018
Le Rhin s’est découvert à nous au décollage de Francfort. Son survol en avion est une grande étape émouvante du retour à la maison, avec un magnifique clin d’œil du soleil se couchant à l’ouest. Mais, nous avons encore deux nuits et un jour à passer à Paris. 
Nous arrivons à onze heures du soir chez une grande amie de la famille Pineau depuis cinquante ans : Anne-Marie, femme exceptionnelle. Non contente de nous héberger, elle nous fera, lors de notre départ, un des plus grands cadeaux du voyage.
Ce lundi 14, il pleut sur Paris. C’est la faute à Michel. Il a acheté un parapluie à Francfort et veut le déployer à Paris. Ce qui fut fait à l’occasion du tour rituel de Gaston aux éditions l’Harmattan. Un peu décevant, cette fois-ci : les ouvrages n’arriveront que demain.
La fraîcheur provoque chez Michel l’achat d’une si belle casquette que Gaston lui fait exhiber au repas de midi chez d’autres grands amis : Line et Bernard Honoré qui sortent aussi les leurs pour une comparaison.

Dans l’après-midi, rendez-vous à 17h au Tourville, près de l’École militaire. Guy Le Boterf, champion des rendez-vous planétaires – le dernier étant à El Calafate à la frontière Chili-Argentine – nous a organisé un rendez-vous avec deux de ses amis aux parcours de vie très particuliers, en dynamique de publication : parcours personnel tendu entre évolution institutionnelle et autoformation pour le premier; parcours planétaire d’un groupe d’architectes de ville pour le second. Ces parcours ont alimenté et inspiré notre dernier repas.
Mais le petit déjeuner de ce mardi matin nous réserve encore une surprise. Anne-Marie accompagne depuis des mois la fin de vie de son compagnon. Juste avant de partir, elle nous révèle que pour survivre activement à cette situation, elle remobilise ses talents de conteuse auprès des autres pensionnaires de cette maison de fin de vie. Ils en sont si heureux qu’ils la sollicitent souvent entre les séances. Sur le seuil de la porte, elle nous fait cadeau d’un poème de Jean d’Ormesson :
« Train de ma vie
À la naissance on monte dans le train et on rencontre nos parents.
On croit qu’ils voyageront toujours avec nous
Pourtant, à une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage.
Au fur et à mesure que le temps passe, d’autres personnes montent dans le train et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants, même l’amour de notre vie.
Beaucoup démissionneront  (même éventuellement l’Amour de notre vie), et laisseront un vide plus ou moins grand.
D’autres seront si discrets qu’on ne réalisera pas qu’ils ont quitté leur siège.
Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d’attentes, de bonjours, d’au-revoir, et d’adieux.
Le succès est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.
On ne sait pas à quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et pardonnons.
Il est important de le faire car lorsque nous descendrons du train, nous ne devrons laisser que de bons souvenirs à ceux qui continueront leur voyage.
Soyons heureux avec ce que nous avons et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
Aussi, merci d’être un des passagers de mon train.
Et si je dois descendre à la prochaine station, je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous.
Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte que je vous remercie d’être dans ma vie et de voyager dans mon train. »
C’est avec ce poème dans le cœur que nous partons rejoindre Montréal. Nous n’osons y croire. Notre tour de l’hémisphère nord s’est bien effectué. Les retrouvailles sont chaleureuses.

Gaston, Ève-Marie, Gabrielle, Françoise et Michel.

Merci à toutes et tous ceux qui ont favorisé ce voyage et nous ont accompagnés.